"Dès son attaque de la Sonate “Hammerklavier", le jeune Italien frappe fort avec un tempo d'une urgence incroyable" ★★★★★
Avec son air de ne pas y toucher, Filippo Gorini poursuit son exploration des sommets du piano de Beethoven. Après des Variations Diabelli remarquées, son premier disque, le voici à l'assaut de deux sonates demandant au pianiste des qualités d'architecte mais aussi un lyrisme qui doit emmener l'auditeur au-delà de la monumentalité. Dès son attaque de la Sonate “Hammerklavier", le jeune Italien frappe fort avec un tempo d'une urgence incroyable, plus rapide encore que celui d'un Pollini. Et cela pour marquer l‘opposition de ces terribles accords verticaux avec les phrases mélodiques qui suivent, jouées avec un rubato passionné. Le troisième mouvement, «coeur émotionnel de la sonate» comme le souligne le pianiste, est abordé avec une extrême lenteur, davantage encore que chez Gilels ou Arrau, c'est dire! Gorini n'y perd pas le sens de la construction, mettant magistralement en valeur les changements harmoniques. Aucune sentimentalité dans ce jeu qui n'oublie pas de chanter et nous prend jusqu'au finale fugue du quatrième mouvement, éblouissant feu d'artifice contrapuntique servi par la très belle prise de son de Ken Yoshida. Tout en respectant soigneusement les nuances dynamiques de la Sonate n°32. Gorini expose la succession de formes utilisées par le compositeur avec la même clarté et les mêmes écarts de tempo. Cette assurance dans la réalisation des variations impressionne jusqu'aux envoutants trilles mais restreint peut-être quelque peu l'univers poétique de ce sublime soliloque.