"L’Arietta priée, tenue, montre qu’en cet anniversaire, Beethoven aura reconnu un nouveau prophète"
Schnabel laissait des notes sous le clavier, mais il osait le « più presto possibile » des premières mesures de la Hammerklavier : il faut se jeter ici, d’ailleurs plus corps qu’âme (pour l’âme ce sera plus tard, l’Adagio se veut sostenuto), dans cet absolu où Beethoven défiait même l’instrument. Peu l’auront osé à ce point depuis Kempff jeune certainement, ayant l’art de faire voler les timbres et créant une illusion.
Filippo Gorini, qui nous avait délivré de si stupéfiantes Variations Diabelli, le fait, les doigts volent, pas une note ne s’échappe de ces fusées qui, malgré le contrôle, sont l’ivresse même. Et le vertige suit, les divagations des mondes nouveaux qui emportent aussi ce sostenuto, nocturne étoilé sous les doigts de ce jeune homme; les espaces sont soudain absolument cosmiques, ouverts sur vingt-et-une minutes durant lesquelles la musique-même entreprend un voyage tout spirituel.
L’Opus 111 pourra venir ensuite, coda d’ailleurs presqu’inutile malgré la flamboyante proclamation du Maestoso. Mais l’Arietta priée, tenue, montre qu’en cet anniversaire, Beethoven aura reconnu un nouveau prophète.